La QVT En finir avec les conneries ! Interview de Vincent Baud CEO du Cabinet MASTER®

La QVT En finir avec les conneries ! Interview de Vincent Baud CEO du Cabinet MASTER®

Temps de lecture: 
4

Bonjour Vincent, pouvez-vous nous parler de vous ?

Je dirige le Cabinet MASTER®, reconnu innovant par le ministère de la recherche dans le management de la santé & qualité de vie au travail.

Avant de fonder ce cabinet j'ai été ouvrier, chef d'équipe, de service, directeur d'usine, correspondant national des enseignes sur leurs politiques "Santé au travail" pour les Directions des Risques Professionnels CARSAT.
Parallèlement, j'enseigne le management à Aix Marseille Université.

Je suis également conférencier et plus récemment... auteur d'un livre "La QVT - En finir avec les conneries". Histoire de partager notre vision de la santé & qualité de vie au travail au plus grand monde.

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le Cabinet Master ?

MASTER est un acronyme: MAnagement de la Santé au Travail par l'Ecoute et la Réponse.

Nous développons des démarches participatives en entreprise centrées sur une vision globale à la fois de la santé des salariés et de leur environnement de travail.

Notre "coeur de métier" est d'impliquer tous les salariés, quel que soit le niveau hiérarchique, dans le débat sur la façon dont ils vivent leur travail ensemble, par l'identification et la prévention de leurs risques sur leur santé physique ET mentale. Le tout avec des réponses arbitrées par l'évaluation participative des risques.

Nous avons également développé des démarches de maîtrise des connexions numériques professionnelles, reconnues socialement innovante par BPI France et la DREETS.

Nous accompagnons ainsi tout autant de grandes entreprises que de plus petites, et des branches professionnelles, dans cette vision d'une performance durable et socialement responsable.
Dans les faits.

Alors dites-nous, pour vous, c'est quoi un collaborateur performant et engagé ?

Sacrée question ! Sortez vos crayons vous avez 10 minutes...
C'est, selon moi, un collaborateur pour qui l'exercice réel de son travail fait sens.

Il vit son travail comme une chance d'exprimer ses talents, sa créativité, d'enrichir à la fois ses compétences et ses relations sociales, tout en préservant ses équilibres personnels: sa santé, sa vie privée.

Il estime contribuer directement à une aventure humaine qui l'inspire et se sent reconnu comme tel, notamment par l'écoute et la reconnaissance qu'il reçoit.

Pourquoi un livre "La QVT En finir avec les conneries" ? (Nous aussi on pense que la qualité de vie au travail c'est des conneries pour start-up parisienne...)

Parce que ce n'est plus possible de faire dire ce que l'on veut à ce sujet, surtout quand cela devient contraire aux intérêts de la santé des salariés.

Le travail est un facteur de santé, physique et mentale, quand il respecte les équilibres de celles et ceux qui le produisent. Beaucoup de salariés d'ailleurs le vivent comme tel.

Cependant, ce serait nier la réalité des chiffres que de croire que notre société produit de plus en plus de santé au travail:
- La France a le PIRE ratio d'accidents du travail pour 100 000 habitants en Europe (Source: Eurostat). Son nombre d'accidents mortels du travail ont augmenté de 50% en 10 ans. (Source: Eurostat)
- La reconnaissance de troubles psychiques en tant que maladies professionnelles a été multipliée par PLUS DE 25 en 10 ans. (Source: Rapport annuel 2020 CNAM-TS)
- Les troubles mentaux du comportement, le surmenage et le stress sont devenus la PREMIERE source de consultation pour pathologies professionnelles (Source: ANSES)
Et ce que nous savons de ces chiffres, c'est qu'ils sont en dessous de la réalité !
Pourtant, jamais on n'a autant parlé de culture sécurité, de qualité de vie au travail, de bien-être, de bonheur au travail...

Pourquoi se retrouve-t-on alors dans cette situation ?
Comment en est-on arrivé à recycler et surtout à dénaturer un terme QVT en le sortant du vécu des salariés au travail pour l'emmener totalement en dehors vers des histoires de babyfoot, de séances de méditations, de sophrologie, de salles de sieste.... ?
Et surtout, surtout: Comment sortir de cette situation "par le haut" ?

Voilà pourquoi j'ai voulu, par ce livre, apporter ma contribution, à ma mesure, à la remise "sur les rails" de ce sujet essentiel pour notre société, et qui est le mien depuis plus de 20 ans.

Si nous devons expliquer simplement la QVT et ses bénéfices à un patron récalcitrant, on lui dit quoi ?

D'abord, s'il est récalcitrant, on cherche à comprendre pourquoi ;)
L'idée est de l'écouter, comprendre ses arguments, et l'emmener à comprendre qu'il est assis sur un gisement de performance durable, globale et socialement responsable pour son entreprise. Faire envie avant de faire peur.

Ensuite, la façon la plus "simple" de lui expliquer ce qu'est la QVT est la suivante: La QVT est la façon dont les salariés perçoivent leurs conditions de vie au travail et la satisfaction qui en résulte, au regard de leurs attentes à son sujet. Plus ils en seront satisfaits, moins ils risqueront de se faire mal, physiquement ET mentalement, d'abord. Et ça, personne ne le souhaite.
De plus, cette satisfaction sera aussi vectrice d'engagement, elle réduira ses charges, son turnover, son exposition juridique, et améliorera l'image et l'attractivité de son entreprise. Ça en fait de bonnes raisons d'y aller !

Elle peut se résumer ainsi : avoir le sentiment de faire du bon travail, avec de bons outils et locaux, une bonne organisation, de bonnes relations et un beau projet.
Or, on ne peut le savoir qu'en écoutant ses salariés. La QVT ne peut donc exister que par une dynamique d'écoute, d'implication et de reconnaissance des salariés sur ce sujet, ce qui est une belle compétence à intégrer dans son management !

Elle ne peut donc pas se faire pour les salariés, mais avec eux.

Ça, c'est une réponse rapide à votre question, mais le reste est dans le livre ;)

On parle de qualité de vie au travail, mais le travail s'est massivement immiscé chez nous, que ce soit avec le télétravail ou les outils de communication. Quels en sont les impacts et comment garder un bon équilibre ?

La majeure partie des débats que je lis à ce sujet sont trop binarisés: "POUR" ou "CONTRE" le télétravail; c'est ainsi...
Oui, le travail s'est immiscé chez nous, de façon forcée par la pandémie, ce qui n'est pas une motivation heureuse de s'y mettre, certes. Mais, même à moindre échelle, il existait avant. Il existait même sans accord formel pour des salariés avec des outils numériques professionnels qui bossaient à la maison...

Le télétravail peut être facteur de QVT: On peut mieux apprécier son job en pouvant choisir de le faire par moment à la maison, ou dans un tiers-lieu, pour plein de raisons: réduction du temps de trajet, des coûts et de l'empreinte carbone qui vont avec, conciliation vie pro-vie perso, meilleure concentration...
On peut tout autant subir les effets du télétravail sur sa santé: Difficulté accrue de déconnexion, perte de lien social, difficulté de cohabitation famille-travail, sentiment d'isolement, atteinte du collectif de travail, perte de l'informel, chute de l'apprentissage et de la régulation du travail par "contact", sédentarisation accrue...

Les impacts sont donc positifs et/ou négatifs selon les personnes et les entreprises, et seule l'écoute spécifique du vécu des salariés, et les actions à mettre en oeuvre avec eux à sa suite, peut permettre sa juste régulation.
Et c'est à faire vivre dans le temps ! Par exemple, beaucoup de salariés ayant vécu un télétravail "heureux" souhaitent à l'usage revenir à plus de présentiel. Et si beaucoup de jeunes salariés ne veulent pas télétravailler car ils perdent tout le bénéfice d'un apprentissage présentiel "en temps réel" et d'une aventure humaine et collective qu'ils ont envie de vivre "pour de vrai", certains autres refuseraient de rejoindre une entreprise ne leur offrant pas cette possibilité.

Il y a aussi la question de la confiance qui se pose et qui est un sujet majeur: Un management méfiant par défaut à l'égard de salariés en télétravail, qu'il ne voit plus donc, générera des attitudes et même des outils de contrôle totalement délétères.

La seule solution reste, une fois de plus, d'avoir un management capable de se mettre à l'écoute des besoins spécifiques de ses salariés pour mieux vivre leur travail, et de les impliquer dans les réponses à apporter ensemble.
Tout ne pourra bien sur pas être"à la carte" de tout le monde, ce n'est pas du tout le sujet ! Qui peut croire que les contraintes collectives relatives à l'exercice du travail disparaitraient ainsi ? Parfois, répondre NON au besoin individuel exprimé au profit du collectif de travail, en l'expliquant, c'est faire preuve d'un courage managérial qui est loin d'être généralisé. Mais on ne pourra pas résoudre une situation difficile qui ne s'est pas exprimée.

Ainsi c'est, selon moi, la recherche permanente du meilleur équilibre pour tous par l'entreprise, à travers un management formé, outillé et soutenu pour être acteur de ce dialogue, et avec ses partenaires sociaux, que se trouve la solution.

Les entreprises ont vraiment du mal à faire revenir les collaborateurs sur site. Est-ce un problème, un symptôme et par quel bout prendre le sujet ?

D'abord, pas toutes.
Ensuite, le sujet est, je pense, à prendre comme je l'ai exposé précédemment: La question de savoir POURQUOI des salariés ont du mal à revenir sur site est essentielle à poser !
Par exemple, certains salariés apprécient de télétravailler parce qu'ils ont du mal à supporter l'ambiance de leur équipe, de leur manager, voire leurs locaux en flex-office ou open-space. Le télétravail intervient donc comme un "échappatoire".
C'est une formidable opportunité de remettre sur la table ces questions qui ne se posaient pas car étaient acceptées "comme la norme", et de les traiter avec les salariés ! Ceci afin de construire ensemble des conditions de vie au travail qui feront "le plus sens et efficience" pour le plus grand nombre.

Ce problème deviendra une opportunité s'il est pris sous cet angle.

On parle à tort et à travers du télétravail. Mais pour vous, quel impact a cette communication sur ceux qui ne peuvent pas en faire ?

Vous avez raison: Merci de le souligner !
60% des actifs sont aujourd'hui dans l'impossibilité de télétravailler, ne serait-ce que par la nature même de leur métier. Ca fait plus de 17 millions de personnes...
Parler de télétravail, c'est passer juste à côté d'eux.
Cependant on sait que plus un pays est développé, plus cette part augmente.
Un rapport du sénat d'octobre 2021 en donne une belle analyse.

Donc : quand vous parlez à la majorité des travailleurs de sujets qui ne peuvent pas les concerner, vous créez soit du désintérêt, soit de la frustration à double titre:
- A se sentir exclu d'un mouvement qui pourrait eux-aussi les intéresser.
- A ne pas parler de ce qui atteint à leur santé: leur charge de travail, leur conditions de vie professionnelle, leurs équilibres pro-perso...

Le risque est donc de désengager les salariés à participer aux débats concernant leur santé au travail si ceux-ci s'essentialisent sur des questions qui ne concernent que la minorité d'entre eux.
En quelque sorte, de "gentrifier" et "tertiariser" ce sujet.

QVT, QVCT, Happiness Management, Management bienveillant, ... En fait, tout n'est-il pas qu'une histoire de Management ?

SI..... ! Mais une fois qu'on a dit cela... tout parait simple or ça ne l'est pas.
C'est d'abord une question de vision d'entreprise, puis de culture managériale. Et ça, ça vient directement se poser en face des enjeux de performance qui dominent les décisions d'entreprises de plus en plus poussées sur le court-termisme.

Il n'est simple pour personne d'agir sur les déterminants des situations de travail, car elles sont directement issues des obligations de résultats des entreprises dans lesquelles la santé physique et mentale des salariés ne figure pas. Et le management est payé pour être le garant de ces déterminants.

Alors oui, il faut être bienveillant, oui, il faut de la qualité de vie au travail, qui dirait le contraire ? Mais si tout ça c'est pour ne pas regarder en face et surtout agir sur ces déterminants de l'activité qui pèsent sur la santé des salariés, qui peuvent les plonger dans des injonctions contradictoires du type "prends soin de toi mais finis ce travail", et tout reporter aux seules responsabilités individuelles des personnes: C'est non.

Dans mon livre, je parle "d'hyper-individualisation" du risque, et ... je le dénonce.

Quel regard portez-vous sur le Hapiness Management dans les entreprises ?

Je ne lui fais aucun procès d'intention, même si l'emploi du mot "bonheur" est à prendre, à mon avis, avec des kilomètres de recul...
Mais, selon ma réponse précédente, je l'attends aux résultats.
Il ne faudrait juste pas que, tout comme il existe le "greenwashing", ce soit mis comme une couche de "pinkwashing" à repeindre en rose une réalité des situations de vie au travail qui ne l'est pas.

Pour agir en faveur de la santé des salariés, il faut une vision, avant toute chose, puis des compétences en santé au travail et en management, des moyens, des acteurs "pluridisciplinaires", une feuille de route, et une discipline "de fer" pour aller au bout de ses ambitions.

Auriez-vous des exemples d'actions impactantes qui ont été mises en place en termes de QVT ?

Oui, mais.... comme c'est mon métier, et la mission de mon cabinet, je ne me sens pas de vous en citer parmi les nôtres ;)
Tout ce que je peux dire, c'est qu'il est plus facile de faire des "coups" ponctuels sur le sujet que de l'inscrire dans la durée et dans le temps. Etant une entreprise innovante, si nous avons connu quelques succès, nous avons aussi des échecs, qui font part intégrante du processus de recherche.
D'autre part, même une action qui a développé la QVT n'est pas parfaite ! Rien le l'est jamais en management, mais cela prête toujours le flanc aux détracteurs inconditionnels pour tout descendre en flamme et jeter le bébé avec l'eau de son bain. C'est ainsi.

Mais oui, j'ai vu, sous l'impulsion de dirigeants et avec l'appui de leurs instances représentatives, des entreprises prendre ce sujet à bras le corps comme un changement culturel profond, à tous les étages, comme un "projet d'entreprise".
Ils avaient tous un point commun: Mettre l'écoute de tous les salariés sur la façon dont ils vivent leur travail au centre du management, et structurer les réponses à y apporter en les y associant jusqu'au bout de façon participative. Du problème à la solution. Vous n'imaginez même pas comme le retour de telles expériences, leurs effets sur les gens concernés et sur la performance de l'entreprise participent à nourrir une motivation à agir en ce sens qui m'anime depuis plus de 20 ans.

Auriez-vous des conseils à donner aux Office Manager pour promouvoir en interne une culture de la QVT efficace ?

Je vais en donner un, le plus important: comprendre de quoi il s'agit, avant tout et au-delà de tout. Comprendre ce qu'est la QVT, ce qu'elle n'est pas, et surtout ne pas se reposer sur des visions naïves ou vaporeuses du sujet.
Ca, c'est l'alpha.

Ensuite, si de cette compréhension naît une vision d'entreprise, la promouvoir auprès des dirigeants comme une formidable inopportunité de rendre le management de l'entreprise plus performant et socialement responsable. Dans les faits ! Faire envie plutôt que peur.
Puis les avertir de l'engagement et des moyens que cela va demander. Ce ne sera pas une tisane.
Et s'ils sont partants et avertis du chantier à lancer: engager avec eux la suite à la manière d'un processus, avec les instances, des objectifs et des moyens alignés autour de cette vision, et évaluer en continu leurs atteintes, qualitatives et quantitatives.

Mais surtout, ne pas céder à cette tentation si présente de parler de tout sauf du travail, et de distribuer ce sujet comme une somme de gadgets estampillés QVT qui n'en ont ni l'odeur, ni la saveur. Ni l'effet.

Nous savons que l'intérêt des tâches confiées aux collaborateurs a un impact immédiat sur leur engagement. Longtemps réservés à l'industrie, l'industrialisation, l'automatisation et l'AI font une entrée rapide dans les bureaux. Quelles opportunités et risques cela entraîne en matière de Qualité de vie au travail ?

Les mêmes !
En termes de risque : Réduction des marges de manoeuvre et des champs d'expression de ses compétences, perte de sens, intensification, décrochage technologique et perte d'employabilité...
En termes d'opportunité: réduction de la charge de travail, concentration sur la valeur ajoutée, développement des compétences par spécialisation, sécurisation des processus...
Il faut intégrer ces changements dans la dynamique globale de maîtrise des risques d'atteinte à la santé des salariés, en passant par l'évaluation des risques et des opportunités que ces changements peuvent représenter concrètement, projet par projet, équipes par équipes, pour en déduire toutes les mesures d'ajustement et de régulation possibles avec les salariés concernés.
Le pire est de laisser ces changement s'opérer et attendre de voir "ce que ça donne", en ne formant les salariés qu'à leur usage.
Juste pour mémoire, quelle que soit l'activité de l'entreprise, elle doit démontrer que les

Avez-vous un dernier mot à dire à nos lecteurs ?

Merci d'avoir été jusque là dans cette lecture, si c'est le cas !
Et si vous souhaitez en savoir plus, il suffit de me contacter sur linkedin, et vous pourrez y commander ... mon livre ;)

Et puis, merci à VOUS, Nicolas Marsaud, de vous être intéressé à prendre mon point de vue sur ce sujet ;)

 

D'AUTRES ARTICLES TROP COOL !

Interview de Sonia, Office Manager Freelance !
Sonia, Office Manager Freelance, a répondu à nos questions :) Découvrez son portrait ! Bonjour Sonia, où travaillez-...Lire la suite
Portrait de Lou, Office Manager & Mojo chez Dare.Win !
Lou, Office Manager & Mojo chez Dare.Win, une agence de communication spécialisée dans l'entertainment, répond à...Lire la suite
Office Manager chez Deezer : l'interview de Mouhamed  !
On a eu la chance d'interviewer Mouhamed, Office Manager chez Deezer. Découvrez sa vision du métier dans le portrait de...Lire la suite